99 Soignant.e.s dans l’objectif de François Vannière

99 Soignant.e.s repose sur la collaboration des soignant.es de l’AP-HM e et des artistes qui les accompagnent, favorisant une mise en résonance des subjectivités pour créer une réalité collective. Le projet 99 explore diverses formes d’expression – écriture, danse, théâtre – comme autant de moyens de partager son véçu singulier et de forger du commun. Le photographe François Vannière a choisi de suivre le projet pour documenter le processus de création et apporter sa contribution subjective.

François Vannière est un directeur artistique et photographe français, diplômé des Arts décoratifs de Paris et des Arts appliqués de Lyon. Il a travaillé pour des agences renommées, notamment Grapus, et a conçu l’identité visuelle de nombreuses institutions culturelles et marques de voyage (Voyageurs du Monde, Terres d’Aventure).  Son travail photographique s’étend de la chute du mur de Berlin à la descente du Nil en Egypte. Passionné de dessin, de peinture, il poursuit une exploration visuelle entre reportage et création graphique.

François Vannière par Fabienne de Gaétano©.

GF : François, tu as commencé la photographie très jeune. Qu’est-ce qui t’a attiré dans cet art ?

François Vannière : Oui, j’ai débuté à 14 ans, à l’époque de l’argentique. Ce qui me fascinait, c’était le travail en laboratoire : l’attente, la gestuelle précise, les odeurs chimiques, la sensualité du développement. Il y avait quelque chose de magique à se replonger dans un moment passé, à retrouver l’instant capturé en travaillant la matière photographique. Avec le numérique, j’ai mis plus de temps à retrouver des sensations de ce type, mais aujourd’hui, avec le travail de colorimétrie, et le temps consacré à manipuler chaque image, je découvre autre chose.

GF : Comment as-tu croisé le projet 99 Soignant.e.s ?

François Vannière : C’est Serge Cartellier (l’un des metteurs en scène de la pièce), qui m’en a parlé avec enthousiasme. Il était très investi dans ce nouveau projet, tout comme il l’avait été pour 99 Flins. Son enthousiasme a été contagieux et j’ai eu envie d’apporter ma contribution.

GF : Quand nous nous nous sommes rencontrés pour définir mon intention et ton travail, nous avons convenu d’un double objectif.

François Vannière : Oui, d’un côté, je documente le projet et ses étapes. De l’autre, j’explore librement l’espace de l’hôpital, avec un regard subjectif. Dans ces déambulations, je me positionne comme un participant. Avec mes images, j’ « écris » ce que je perçois de la réalité hospitalière de ses difficultés et de ses paradoxes

GF : Qu’as-tu observé lors des ateliers d’écriture et de théâtre en photographiant mais aussi en écoutant les participants ?

François Vannière : J’ai remarqué un besoin profond de parole. Certain.e.s s’expriment dans une tonalité revendicatrice, d’autres avec poésie, mais toustes prêtent une grande attention particulière à ce que les autres disent. J’ai senti parfois chez les formatrices le souci de faire bonne figure et de défendre une identité professionnelle. J’ai été particulièrement touché par ceux qu’on appelle les “petites mains” de l’hôpital : aides-soignants, agents de service, … Leur travail discret est essentiel. J’ai également été sensible à l’humour qui traverse les récits et la richesse des personnalités présentes et les couleurs que cela donne aux textes. Dans les ateliers de théâtre, on sent un besoin de relâchement, de se laisser aller, de trouver un équilibre.

GF : Et en photographiant l’hôpital lui-même, qu’as-tu perçu de cette réalité ?

François Vannière : Ce qui m’a frappé d’abord, c’est que l’hôpital fonctionne “à l’arrache” avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur des attentes, ni des patients ni des soignants. En circulant dans les espaces ouverts de l’hôpital, hors des chambres des patients et du bloc forcément mieux préservés, on est frappé de l’état dégradé des halls, des escaliers ou des ascenseurs. Dans un escalier, on lit : « on se prend pas la tête » comme un mantra pour faire face au manque de moyens. Dans mes photos, j’ai voulu saisir l’existence de ces “no man’s land” hospitaliers, de ces friches délaissées qui distillent un sentiment de paradoxe, de solitude: un lit traînant dans un couloir, des dossiers médicaux oubliés, une porte marquée “Sortie” alors qu’elle est une entrée…

GF : Oui, la contradiction entre l’idéal et la réalité de l’hôpital traverse toute la pièce 99 Soignant.e.s et nous voulons donner à éprouver comment les soignants vivent ces paradoxes. 

François Vannière : Un de mes séries preférées reflète ce décalage. On y  voit le hall d’entrée, l’obscurité de l’hôpital, des silhouettes anonymes qui marchent sans se regarder et la lumière qui vient de l’extérieur. 

“Je fais toujours les mêmes photos. Je regarde toujours dehors, pour tenter de voir dedans. Pour tenter de dire quelque chose de vrai. Mais peut-être rien n’est vrai…”

Robert Frank

 GF : Comment envisage-t-on la restitution de ton travail ?

François Vannière : Nous avons évoqué plusieurs pistes. Présenter les photos en avant-scène à La Criée, sous forme de projection vidéo. Un livret accompagnant le texte de la pièce pourrait aussi voir le jour. On verra où tout cela nous mène…

Propos recueillis et édité par GF. Crédits photos © François Vannière

Regards croisés

François Vannière

Les ateliers   https://flic.kr/s/aHBqjC6YvQ

Les déambulations hospitalières  https://flic.kr/s/aHBqjC6YZU

Fabienne de Gaétano

Les portraits  https://flic.kr/s/aHBqjC6YY6

Fabienne, une participante de 99 Soignant.e.s, enrichit sa contribution (écriture, théâtre) en réalisant des portraits.

Voir la pièce 99 Soignant.e.s 

📅  23 et 24 mai 2025 à La Criée – Théâtre national de Marseille
🎟️ Réservations gratuites dès avril 2025

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